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La mer Baltique, un nouveau hub géostratégique de l’Union européenne face à la Russie ?

Dernière mise à jour : 20 janv.

Les profondeurs de la mer Baltique, qui ont longtemps été considérées comme paisibles, sont devenues un terrain de jeu pour des opérations clandestines. Le mercredi 25 décembre 2024, un câble de la liaison à courant continu EstLink 2 qui relie la Finlande à l’Estonie, a été endommagé. Très vite, la piste du sabotage a été suivie.


Les soupçons de la Finlande portaient sur un navire pétrolier qui naviguait en mer Baltique, l’Eagle S. Ce navire, qui battait pavillon des Îles Cook, était parti du port de Saint-Pétersbourg à destination de l’Égypte. Il est soupçonné de faire partie de la « flotte fantôme » de la Russie, qui désigne la flotte de navires utilisés par la Russie de façon clandestine pour écouler son pétrole et ainsi échapper à l’embargo mis en place par l’Union européenne en 2022. La Finlande soupçonne donc l’Eagle S d’avoir endommagé le câble à l’aide de son ancre de façon intentionnelle.

Cet incident, loin d’être isolé, s’inscrit dans une longue lignée d’acte de sabotage commis à l’encontre de câbles sous-marins reliant l'Allemagne et la Finlande, la Lituanie et la Suède ou encore l'Estonie et la Finlande. Ces attaques ciblées, qui visent à perturber les communications et l'approvisionnement énergétique des pays baltes et nordiques, témoignent de la volonté de Moscou de déstabiliser la région et de tester la résilience de l'OTAN.


Longtemps considérée comme une région périphérique, la mer Baltique est aujourd'hui au cœur des enjeux géopolitiques européens. Cette étendue d'eau, bordée par huit pays membres de l'UE (Finlande, Suède, Danemark, Allemagne, Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie), offre un accès privilégié à l'Arctique et constitue un enjeu stratégique majeur. L'adhésion récente de la Finlande et de la Suède à l'OTAN témoigne de l'évolution de la situation et de la volonté de renforcer la sécurité dans la région face aux ambitions de la Russie.


Crédit : Philippe Rekacewicz avec Emmanuelle Bournay, Laura Margueritte, et Cécile Marin.
Crédit : Philippe Rekacewicz avec Emmanuelle Bournay, Laura Margueritte, et Cécile Marin.

Durant la Guerre froide, la mer Baltique était régie par les « équilibres nordiques », elle était en fait partagée entre les États membres de l’OTAN (RFA-République Fédérale d’Allemagne, Danemark), l’URSS et ses satellites (Pologne et RDA-République Démocratique Allemande) et les États neutres (Suède, Finlande). À la suite du démantèlement de l’URSS et la fin de la Guerre froide, la Russie ne possèdait alors plus que deux points d’entrée sur la mer Baltique ; le port de Saint- Pétersbourg et l’enclave de Kaliningrad-Königsberg, entre la Pologne et la Lituanie.

De plus, les autres États riverains vont petit à petit intégrer l’UE et/ou l’OTAN, ce qui va entraîner un profond changement dans la configuration géopolitique de cette région. Un réseau d’organisations va aussi se créer autour de la mer Baltique et de l’Arctique pour assurer la sécurité collectives des États baltes et nordiques : le NORDEFCO (NORdic DEFense COoperation ; cinq pays nordiques), le Nordic Baltic 8 (regroupant les pays nordiques et les pays baltes), le Conseil nordique (pays scandinaves, Islande), le Conseil euro-arctique de la mer de Barents (pays scandinaves, Islande, Russie, Commission européenne) et le Conseil arctique (pays scandinaves, Islande, Russie, États-Unis, Canada).


Cet élan a pour principal but de réaffirmer la volonté sécuritaire de ces États face aux multiples menaces et provocations russes dans la région, qui ont débutées au moment de l’indépendance des pays Baltes dans les années 90. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les litiges géopolitiques concernant les minorités russophones n’ont fait que de s’accroitre.

Cet évènement a donc entériné une nette dégradation de l’environnement stratégique de la région Baltique. Ainsi, tous les États riverains de la Baltique redoutent un scénario de « guerre hybride » orchestré par la Russie dans la région, et ce, de manière d’autant plus importante depuis que la guerre en Ukraine a éclaté.


Face à ce qu'elle perçoit comme un « cordon sanitaire » mis en place par l’OTAN, la « flotte fantôme » russe vient donc attaquer les infrastructures énergétiques et de communications présentes en mer Baltique. Ces attaques font partie d’une stratégie hybride plus large de la Russie dans cette région, mêlant désinformation, cyberattaques, instrumentalisation de l’immigration et sabotages d’infrastructures critiques. Tout cela ayant pour but de déstabiliser les pays baltes et saper la cohésion au sein de l’OTAN.

Comme le rappel Henrik Praks, chercheur au Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération basé en Estonie, « [p]our les pays riverains de la mer Baltique, l’infrastructure sous-marine est extrêmement importante, en particulier les pays de la rive orientale de la mer Baltique, les États baltes et la Finlande, parce qu’une grande partie de nos connexions d’infrastructures de données et énergétiques entre les pays de l’UE passent sous la mer Baltique : câbles de données, câbles électriques, gazoducs ». Ainsi, ce sont plus de 90% des données de communications numériques mondiales qui passent par des câbles sous-marins, révélant un enjeu majeur de la cybersécurité et de la souveraineté des États.


Comme le rappelait également le ministre des Affaires étrangères estonien, Margus Tsahkna, il est difficile d'ignorer le caractère intentionnel de ces actes. Face à cette nouvelle forme de guerre hybride en mer Baltique, l'Union européenne et l'OTAN ont réagi en renforçant leur coopération militaire et en déployant des moyens supplémentaires dans la région. Toutefois, la menace russe demeure omniprésente, comme en témoigne l'incident du 17 janvier 2025, où un avion français de reconnaissance de l'OTAN a été harcelé par des avions russes.

La sécurisation de la mer Baltique est donc un enjeu de premier ordre pour la stabilité de l'Europe.


Sources :

 

 

 

 

 

 

 
 
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